William Lacelle n’est pas un gardien de but ordinaire.
Le Québécois de 15 ans a même quelque chose que plusieurs athlètes de haut niveau n’ont pas.
« Je l’appelle mon superpouvoir », mentionne-t-il.
William fait ainsi référence à son trouble de l’audition – une surdité complète de l’oreille gauche, et partielle à 50 % de la droite – qui l’a aidé, à plus d’un égard, à se démarquer comme gardien de but des Lions du Lac St-Louis dans la Ligue de développement du hockey des M18 AAA du Québec.
« Je tourne mon handicap en avantage, comme un superpouvoir. »
Joueur de l’année de la LDHM18AAAQ la saison dernière, il déploiera ses talents lors du Défi mondial de hockey des moins de 17 ans, à Charlottetown et Summerside (Î.-P.-É.), en tant que membre d’Équipe Canada Rouges.
« C’est un honneur simplement de représenter le Canada et, par le fait même, le Québec », affirme celui qui n’aura 16 ans qu’au lendemain de Noël, ce qui en fait le plus jeune des 44 joueurs portant l’unifolié au tournoi. « C’est une sensation extraordinaire. »
Né à Baie-D’Urfé, dans l’ouest de l’île de Montréal, William a ce qu’on appelle une perte auditive neurosensorielle dans les deux oreilles, causant des problèmes auditifs, particulièrement dans les environnements bruyants.
« J’ai eu ça toute ma vie, dit-il. Ça fait partie de mon identité. »
Enfant, il pratique le patinage artistique avant de passer, vers sept ans, au hockey. Il joue d’abord comme défenseur, mais ça ne dure pas.
« Je bloquais tout le temps les tirs. Mon père s’est rendu à l’évidence que j’avais une prédisposition pour le rôle de gardien, et c’est comme ça que j’ai commencé à garder les buts. »
« William adorait être gardien de but, se rappelle son père Stephen Lacelle. Je lui ai acheté des petites jambières, et on s’exerçait ensemble, dans la rue. Ce n’est pas mêlant, il en mangeait. »
Un an plus tard, William est devant le filet à temps plein, et bien vite son père réalise qu’il voit le jeu différemment des autres.
« Je l’emmenais voir des matchs, et il voyait des choses qu’on ne remarque pas à son âge, raconte Stephen. Après les matchs où il était devant le filet, il pouvait évoquer un numéro de joueur et me dire “papa, c’est le gars qui a du ruban vert sur la poignée de bâton”. Aucun autre enfant ne voyait ça. Chez lui, c’était inné. »
« Ce n’est pas un handicap, c’est un superpouvoir »
William vient de connaître sa meilleure saison à ce jour, avec une fiche de 18-4 et la meilleure moyenne de buts alloués de la ligue (1,55), ce qui a aidé les Lions à atteindre la demi-finale de la LDHM18AAAQ, où ils ont perdu contre le Séminaire Saint-François, qui a fini par remporter le titre national. William a également permis au Québec de décrocher la médaille de bronze aux Jeux d’hiver du Canada en février. Ensuite, il a été le premier gardien repêché dans la LHJMQ en 2023, sélectionné au 10e rang par l’Océanic de Rimouski. Ce n’est pas tout : au printemps dernier, il a reçu une bourse de 2 700 $ des Canadiens de Montréal pour ses réussites sportives et scolaires.
« C’est impressionnant de voir à quelle vitesse les astres s’alignent pour lui, lance Stephen. Pour un garçon de 15 ans, c’est inspirant, et un peu vertigineux. Si vous m’aviez dit il y a sept ou huit ans que tout cela arriverait, je ne vous aurais pas cru. »
Or ça n’a pas toujours été facile pour William, qui a dû faire preuve de persévérance pour gravir les échelons du hockey et changer les mentalités au sujet de sa condition.
« Aujourd’hui, les gens autour de moi comprennent mon problème, et ils ont fini par l’accepter. Mais au début, ça les dérangeait que je répète tout le temps “quoi?” parce qu’il me fallait entendre deux fois ce qu’ils disaient. C’était éprouvant pour eux et pour moi. »
« Ç’a été tout un défi pour lui, surtout à l’école, ajoute Stephen. Mais nous étions là pour l’aider, et il a eu accès à un réseau de soutien formidable, notamment des professionnels dans un centre de réhabilitation à Montréal, en plus de ses professeurs et d’autres intervenants au primaire et au secondaire. »
En grandissant, William a su tourner en atout ce que plusieurs considéreraient comme un désavantage.
« Quand j’effectue un arrêt, les joueurs de l’autre équipe ont beau m’insulter après le sifflet, je ne les entends pas. Je suis juste concentré sur le jeu et j’essaie de gagner. Je fais attention aux détails, je trouve des stratégies. »
L’une de ces stratégies est la communication avec ses coéquipiers et ses entraîneurs, sous forme verbale ou visuelle.
« Je m’assure toujours d’avoir bien compris les directives de mes entraîneurs. Disons, par exemple, qu’on explique le plan de match. J’irai voir l’entraîneur par la suite pour m’assurer d’avoir entendu précisément ce qu’il fallait. C’est vraiment juste une question de rigueur. »
« Les entraîneurs de tous les niveaux ont été fantastiques, reconnaît Stephen. On prenait soin d’avertir les entraîneurs en début de saison pour qu’ils soient au courant de la situation. On ne demandait pas un traitement de faveur, on voulait seulement qu’ils sachent que William était malentendant. »
Une autre stratégie est la lecture sur les lèvres, que William maîtrise en français et en anglais.
« J’ai pas mal grandi dans un milieu bilingue, c’est la raison pour laquelle j’ai pu m’adapter à la langue utilisée d’une équipe à l’autre. Je lis beaucoup sur les lèvres, et je pense que c’est un avantage. »
La partie n’est pas jouée pour autant.
« Quand c’est très bruyant sur la glace et qu’il y a toutes sortes de bruits mélangés, je peux avoir de la misère à entendre certaines indications de mes coéquipiers. La lecture sur les lèvres m’est alors très utile. »
Aux jeunes athlètes malentendants, William conseille surtout d’apprendre à bloquer le bruit.
« Ignorez les propos négatifs à votre sujet, et continuez d’avancer. J’ai eu à faire face aux moqueries, et le mieux, c’est de les ignorer. Allez sur la glace et montrez ce que vous pouvez faire. Ce n’est pas un handicap, c’est un superpouvoir. »