Être gardien de but fait partie de l’ADN de Mitchell Garrett. Peu importe le
sport qu’il pratique, il aime être le dernier rempart.
Après avoir joué comme receveur au baseball et comme gardien de but au
soccer dans son enfance, l’athlète de Surrey, en Colombie-Britannique, a
commencé à jouer au hockey à l’âge de 10 ans.
« Mon père a grandi en jouant au soccer, raconte Garrett. Disons qu’il
n’était pas des plus enchantés d’apprendre que je voulais plutôt jouer au
hockey. »
Garrett a été gardien de but pendant 12 ans, habituellement dans des ligues
maison et occasionnellement au hockey compétitif. Après son secondaire, il a
continué à jouer de manière récréative avec d’autres coéquipiers du hockey
mineur.
« Mon accident s’est produit un mois avant le début de la nouvelle saison,
se remémore le cerbère de 29 ans. Ce fut donc un choc pour l’équipe quand ça
a été confirmé que je ne pourrais plus jamais rejoindre mes coéquipiers sur
la glace. »
Le 29 juillet 2017, Garrett faisait du camping et a décidé d’emprunter le
VTT d’un ami pour faire une promenade. Alertée en raison de son absence
prolongée, une équipe de recherche a trouvé Garrett sur le bord de la route,
victime d’un accident.
Transporté par hélicoptère à l’hôpital général de Vancouver, il a été
diagnostiqué comme souffrant d’une lésion complète de la moelle épinière au
niveau du quatrième segment thoracique. Défiant les pronostics, Garrett a
progressé rapidement et a terminé sa réadaptation en trois mois.
« Le processus a été très rapide, dit-il. Je me souviens que tout le monde
soulignait la vitesse de ma progression comparativement aux cas semblables.
J’avais la ferme volonté de me fixer des objectifs pendant ma réadaptation,
parce que je voulais vite passer à autre chose. Je voulais juste reprendre
ma vie et je savais que des changements majeurs m’attendaient. »
Matteo Pellizzari (à gauche), Mitchell Garrett et Brendon Hurst.
Tout au long du processus, Garrett a toujours gardé le hockey en tête.
« Je n’ai aucun souvenir de ma blessure. Je me suis réveillé à l’hôpital et
je me suis demandé où j’étais. On m’a dit que je me trouvais à l’hôpital, et
j’ai tout de suite pensé à mon match éliminatoire prévu le soir même et au
fait que je devais m’y rendre pour jouer. »
Désormais paralysé de la poitrine aux pieds en raison de sa blessure,
Garrett s’est immédiatement mis à réfléchir aux façons dont il pourrait
retourner sur la glace et a commencé ses recherches sur le parahockey.
« J’ai étudié l’exemple de Dominic Larocque, gardien de but pour Équipe
Canada. J’ai regardé toutes les entrevues de lui que j’ai pu trouver. J’ai
dû regarder les vidéos trois ou quatre fois et j’ai mis des séquences de
match à pause pour bien analyser son équipement et comprendre comment je
pourrais me débrouiller de mon côté. Il a été une grande source
d’inspiration. »
Plus de neuf mois après son accident, Garrett est retourné devant le filet
sur la glace, cette fois dans une luge.
« C’était énorme pour moi de reprendre mon rôle de gardien de but. Mes
parents étaient là, mon père était sur la glace et ma mère, dans les
gradins. À ma première séance sur glace, c’était assez laborieux.
« Quand j’ai quitté la glace, ma mère m’a demandé si ce sport était vraiment
pour moi, si c’était réellement ce que je voulais, car j’avais l’air en
difficulté. Je lui ai simplement dit que j’avais besoin de temps. »
Malgré ce retour sur la glace, sa nouvelle réalité lui rendait le parahockey
difficile à quelques égards. Le fait de ne rien pouvoir bouger par lui-même
sous sa poitrine apporte son lot de contraintes quant à son désir de
recommencer à garder les buts.
« Les autres gardiens peuvent utiliser tout leur tronc et se tenir sur leurs
jambes et leurs genoux. Tout le monde me répétait à quel point j’étais
désavantagé, mais je ne me suis jamais apitoyé sur mon sort. On pratique
toujours le même sport. Le but reste le même. »
Mitchell avec son père, Ken Garrett.
Garrett a fixé son prochain objectif, soit celui d’obtenir une place au sein
de l’équipe nationale de parahockey du Canada, et s’est mis au travail.
Après chaque séance sur glace, il examinait sa luge et procédait à des
ajustements.
« J’ai un cabanon chez moi qui sert en quelque sorte d’atelier. C’est là que
je multiplie les efforts en dehors de la glace pour m’assurer que je suis au
sommet de ma forme lorsque je suis en action. Pendant longtemps, j’ajustais
constamment ma luge, ma position sur celle-ci et l’emplacement de mes lames.
»
Le Langley Sportsplex, son aréna local, lui donnait gratuitement du temps de
glace pour qu’il puisse s’entraîner tout au long de l’année. Sur la glace,
Ken, le père de Garrett, se joignait à lui comme tireur lors de ses
entraînements et il est devenu l’entraîneur-chef de l’équipe de parahockey
de la Colombie-Britannique.
« Je sais que je n’y arriverais pas sans lui, maintient Garrett. Mon père
m’a énormément aidé tout au long de ce processus, il veille à ce que ça soit
le plus agréable possible pour moi. »
Son travail acharné sur la glace et ailleurs a fini par porter ses fruits,
et Garrett a été invité à son premier camp de sélection de l’équipe
nationale de parahockey du Canada en vue de la saison 2022-2023.
« C’est toujours bon quand quelqu’un a de l’expérience comme gardien de but
au hockey avant de devenir handicapé », soutient Russ Herrington,
entraîneur-chef de l’équipe nationale de parahockey du Canada. « C’est ce
que nous avons remarqué tout de suite avec Mitch, son niveau de confort avec
sa mitaine et son bloqueur ainsi que sa capacité à suivre la rondelle grâce
à son expérience devant le filet. »
« Ça ne s’est pas vraiment déroulé comme je le souhaitais, avoue Garrett. En
toute honnêteté, je n’ai pas connu une bonne performance. Je pense que je me
suis laissé un peu impressionner au camp. Je n’avais jamais joué avec des
joueurs de ce calibre, et ce sont des athlètes avec lesquels je voulais
jouer depuis longtemps. »
Après le camp, Garrett a tiré des leçons de son expérience et a redoublé
d’ardeur à l’entraînement en vue de sa prochaine occasion.
« Je me suis simplement dit que je commençais à aller dans la bonne
direction, que j’étais sur la bonne voie et qu’il me suffisait de
persévérer, parce que je voyais que ça pouvait fonctionner pour moi »,.
Corbyn Smith (à gauche) et Mitchell Garrett célèbrent une victoire contre la Tchéquie à la Coupe de parahockey 2023.
Lorsqu’il est revenu au camp de sélection en septembre, ses progrès ont
sauté aux yeux des membres du personnel entraîneur.
« Je crois qu’il a pris ses aises dans sa luge, confirme Herrington. Au
début, il hésitait à prendre position dans le haut de son enclave, alors
qu’on le voit désormais s’imposer davantage dans son positionnement et
défier les tireurs. »
Après avoir rêvé de faire partie d’Équipe Canada pendant plus de six ans,
Garrett a finalement reçu l’appel l’informant qu’il ferait ses débuts sur la
scène internationale lors de la Coupe de parahockey 2023 à Quispamsis, au
Nouveau-Brunswick.
« Annoncer ce type de nouvelles est l’un des aspects les plus agréables de
notre travail, confie Herrington. Nous sommes très heureux de l’avoir parmi
nous. Nos vétérans font un excellent travail pour célébrer de tels moments,
parce qu’il n’y a pas si longtemps, ils revêtaient eux-mêmes le chandail
unifolié pour la première fois. »
« Ma famille, mes amis, ma copine, tout le monde a joué un rôle dans mon
parcours, estime Garrett. C’était un moment très agréable au téléphone quand
j’ai annoncé à mes parents que j’avais été sélectionné au sein de l’équipe,
ça s’entendait à quel point mon père était fier.
« Pour ma mère, après ma première expérience sur la glace où elle avait
remis en doute mon choix, le fait de pouvoir lui dire que j’avais été pris
dans l’équipe a permis de boucler la boucle. »
À Quispamsis, Garrett attend impatiemment sa chance de représenter le Canada
pour la première fois sur la scène internationale et, par le fait même,
d’inspirer potentiellement d’autres membres de la communauté paraplégique à
découvrir le parahockey.
« J’ai les larmes aux yeux chaque fois que j’y pense, parce que jouer pour
Équipe Canada est un objectif que j’ai depuis l’âge de huit ans, dit-il. La
plupart des gens avec un handicap semblable au mien envisagent d’autres
sports… J’adore l’idée de pouvoir changer cette façon de penser. »