Imaginez que vous avez 11 ans. C’est l’automne dans une communauté des Premières Nations du nord du Québec, le temps devient de plus en plus frais, et votre talent de hockeyeur excède déjà ce que les environs peuvent vous offrir.
À un moment où la plupart des enfants se cherchent un costume d’Halloween, Israel Mianscum essayait quant à lui de trouver ses repères dans un nouveau mode de vie, à 147 kilomètres de chez lui, sans famille ni amis, pour jouer au hockey dans une ligue où les enfants avaient une année de plus que lui.
Évidemment, ce n’était pas facile. Ce serait impossible pour lui de ne pas s’ennuyer, mais sa mère a conclu une entente qu’elle a respectée à la lettre; la famille ferait près de deux heures en voiture chaque fin de semaine de son domicile à Mistissini, une communauté crie d’environ 4 000 personnes, jusqu’à Oujé-Bougoumou, un lieu qui partage la même culture, pour lui rendre visite de façon hebdomadaire tandis qu’il tenterait de réaliser ses rêves au hockey.
Comme si le déménagement n’était pas déjà assez difficile en soi, il a été compliqué par la perte de deux membres de la famille – un grand-père et un oncle au cours de ce même mois d’octobre. À ce moment, alors que la transition était à peine entamée, il aurait été facile d’abdiquer et de rentrer chez soi.
Mais le réconfort des appels téléphoniques quotidiens et des visites fréquentes de la famille a facilité le changement et, cinq ans plus tard, il n’est pas question de vouloir revenir en arrière.
« Au début, il a eu du mal à rester », raconte Tiffany Neeposh, la mère de Mianscum. « Nous savions qu’il voulait vraiment jouer au hockey, et je savais qu’il serait atterré s’il revenait à la maison. »
« Nous avons fait tout notre possible pour qu’il reste. Il s’est habitué au bout d’un moment. Ça a été toute une année pour lui. Il est tellement plus fort aujourd’hui en ayant appris à vivre sans nous. »
Bien sûr, une saison n’a pas suffi pour dissiper l’envie de rentrer à la maison. En fait, il a fallu quelques années pour que l’adaptation soit vraiment complète.
Un aspect qui a toujours facilité le départ de Mistissini était la familiarité provenant du fait d’être entouré d’autres joueurs qui parlaient le cri.
Et, au Québec, où on parle surtout le français et, dans un ordre bien inférieur, l’anglais, le fait de pouvoir parler sa propre langue a créé une stabilité culturelle et un havre de paix pour l’adolescent mélancolique.
Toutefois, à l’âge de 14 ans, après quelques déménagements de plus au fil de son cheminement au hockey, Mianscum s’est soudainement retrouvé isolé et bien loin de ses origines lorsqu’il s’est joint aux Citadelles de Rouyn-Noranda, une équipe Midget Espoir de l’ouest du Québec.
« Ce fut une année difficile pour moi », avoue-t-il. « J’étais seul. Il n’y avait personne à qui parler dans ma langue. Ce moment a été plus dur pour moi que mon premier départ quand j’avais 11 ans. »
Pour composer avec la situation, il n’a eu d’autre choix que de s’investir corps et âme dans le hockey et de poursuivre son développement. Les résultats ont été impressionnants. Il a récolté 29 buts et 56 points en 29 matchs pour ainsi devenir le meilleur pointeur de la ligue et obtenir le titre de Joueur par excellence, même s’il était l’un des plus jeunes.
« Avec du recul, quand je regarde ce que j’ai fait pour partir jouer au hockey, je suis quand même impressionné », affirme le centre de 6 pi 1 po et de 192 livres. « Je suis fier de moi. Je ne m’ennuie plus de chez moi. »
La saison dernière , il a franchi une étape en obtenant un poste avec les Forestiers d’Amos dans la Ligue de hockey midget AAA du Québec, où il a connu une autre campagne offensive exceptionnelle grâce à 21 buts et 35 points en 36 matchs.
Ces statistiques et d’autres atouts ont fini par attirer l’attention du Phoenix de Sherbrooke, qui a jeté son dévolu sur Mianscum avec son 10e choix au repêchage de la Ligue de hockey junior majeur du Québec l’été dernier.
« Le repêchage était excitant », exprime-t-il. « C’était vraiment amusant. C’était le plus beau jour de ma vie. C’est probablement l’un des plus beaux moments pour ma famille. Ça justifie tous les sacrifices. »
Mianscum a commencé à patiner à l’âge de deux ans. Il avait un talent naturel, mais ses débuts ont été facilités par la construction annuelle d’une patinoire à la maison, avec la supervision et la collaboration de sa mère et de son père, Louie.
Sa capacité à s’élancer sur la glace à un si jeune âge a vite permis à ses parents de se rendre compte qu’il était doué. Et sa mère savait qu’il aurait inévitablement à quitter la maison pour poursuivre ses rêves de hockey.
« Dès le départ, il était très compétitif », dit Mme Neeposh, elle-même une joueuse de hockey. « Nous savions déjà qu’il serait différent. Il était si déterminé. Il était toujours sur la patinoire pour en faire plus, comme s’exercer à prendre des tirs. Il était toujours dans un mode de compétition. Le hockey est sa passion. »
Maintenant âgé de 16 ans, Mianscum a fait son chemin des petites villes du Québec à la scène internationale à titre de membre de Canada Blancs au Défi mondial de hockey des moins de 17 ans 2019.
« Israël est un espoir fort intéressant », soutient Brad McEwen, dépisteur en chef de Hockey Canada. « Il a de belles habiletés et un bon gabarit, ce qui le rend doublement menaçant. Il peut miser autant sur la robustesse que sur la finesse pour générer de l’offensive. »
« C’est un rêve devenu réalité pour moi de jouer pour Équipe Canada », dit Mianscum. « Représenter mon pays est un honneur. Je suis fier de moi et je sais que ma communauté l’est aussi. »
En tant que partisan des Canadiens de Montréal, Mianscum s’inspire de leur gardien de but autochtone Carey Price. Il admet aussi suivre le parcours d’Ethan Bear, qui est défenseur pour les Oilers d’Edmonton.
Il espère un jour se rapprocher encore plus de son objectif de jouer avec ou contre l’un ou l’autre de ces joueurs dans la Ligue nationale de hockey, ce qui ferait de lui le premier joueur cri du Québec dans la LNH.
« Tout le monde a cet objectif », dit-il au sujet de la LNH. « C’est le mien aussi. C’est ce que je veux faire. Mais il y a tellement de choses que je dois améliorer. Mon approche est d’y aller un jour à la fois. Je dois juste m’assurer de toujours respecter mon style de jeu. »
Et, ce faisant, il semble avoir trouvé sa place.
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Jeremy Knight
Responsable, communications organisationnelles
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