La contribution d’un hockeyeur se mesure souvent en buts, en mentions d’aide et en points, en trophées et en championnats.
Sheldon Kennedy fait certes bonne figure à ce chapitre. Il a remporté l’or au Mondial junior avec le Canada en 1988, a de nouveau participé au tournoi en 1989 et a été nommé à l’équipe des étoiles du tournoi lors de la Coupe Memorial en 1989, où il a aidé les Broncos de Swift Current à remporter le championnat national. Kennedy a aussi disputé plus de 300 matchs dans la Ligue nationale de hockey avec Detroit, Boston et Calgary.
Mais sa contribution rayonne bien au-delà de la patinoire.
On peut notamment la chiffrer avec des données sur le nombre de personnes qui ont suivi les formations en ligne Respect et sport et Respect au travail, soit 1,6 million. Ou sur le nombre d’organisations sportives au Canada qui ont choisi d’imposer la formation Respect à l’ensemble de leurs bénévoles, soit 70.
La contribution de Kennedy est peut-être le mieux décrite par Wayne McNeil, son ami de longue date et partenaire d’affaires.
« Je ne crois pas connaître une autre personne dans le monde du hockey qui a répondu à une situation déplorable par l’éducation, la sensibilisation et la responsabilisation quant à des questions difficiles, et de façon toujours très positive », commente McNeil. « Il a agi de façon tellement constructive. La colère n’a jamais été un moteur. Il a toujours cherché à améliorer les choses.
« C’est cool, car oui, il a joué dans la LNH, oui, il a gagné la Coupe Memorial, et oui, il a gagné la médaille d’or au Mondial junior, toutes ces grandes réalisations au hockey. Mais son apport à la culture du sport est phénoménal. »
Kennedy fait partie de la cuvée 2020 de l’Ordre du hockey au Canada, à qui on rendra hommage le 14 juin pendant le Gala virtuel de la Fondation Hockey Canada. Cet honneur est le plus récent de ses nombreuses remarquables réalisations : l’homme de 51 ans, qui est originaire d’Elkhorn, au Manitoba, a notamment été investi de l’Ordre du Canada et nommé à l’Alberta Order of Excellence.
Kennedy, en collaboration avec McNeil, a fondé le Respect Group en 2004, et depuis, les modules de formation en ligne de l’entreprise ont été suivis par des millions de Canadiens pour leur permettre de reconnaître et de prévenir la maltraitance, l’intimidation, la discrimination et le harcèlement dans les sports, à l’école et au travail.
« C’est un grand honneur, tant pour moi que pour la cause que je défends », déclare Kennedy. « Si je reviens sur mon histoire et mon implication pour cette cause à partir du moment où j’ai dévoilé ce qui m’était arrivé, en 1996, et tout le travail qui été accompli au cours des 23 dernières années… À une certaine époque, ni moi ni la cause que je soutiens n’étions placés pour recevoir un prix. Et personne n’aurait voulu me rendre hommage, vu mes problèmes passés. »
« Un prix comme celui-ci représente l’espoir; il donne de la force et l’espoir que, peu importe où vous en êtes dans la vie, vous pouvez toujours atteindre ces objectifs. C’est ce que ce prix signifie pour moi. C’est à la fois une reconnaissance personnelle et la reconnaissance de la cause que je défends, de ces enfants et de ces adultes qui ont été blessés lorsqu’ils étaient enfants. Il représente tout l’avancement qui a été réalisé quant à cette question. »
Il est parfois difficile de se rappeler à quoi ressemblait le monde il y a plus de 20 ans. Mais quand, en 1996, Kennedy a parlé des sévices sexuels infligés par Graham James, son entraîneur au hockey junior, il n’a pas été traité comme une victime. À l’époque, James était l’un des entraîneurs les plus connus du circuit junior, et on a reproché à Kennedy son parcours houleux dans la LNH. Ses problèmes de dépendance à l’alcool et à la drogue ont fait les manchettes, et les médias ont véhiculé l’image d’un hockeyeur troublé portant des accusations contre un entraîneur réputé et respecté.
« Quand j’ai dévoilé mon secret, il y a eu beaucoup de questions. On m’a questionné sur mes révélations, on m’a questionné sur ce qui s’était réellement produit, et tout ça. Graham projetait l’image d’un grand homme, alors que moi, j’étais ce fauteur de troubles. J’ai dû me battre pour prouver que ce n’était pas qui j’étais et que ce qui se passait dans ma vie ne me définissait pas. »
Kennedy a beaucoup appris pendant ce temps, notamment quelque chose qui l’a surpris : son histoire, bien que sombre, tragique et difficile à raconter, n’avait rien d’unique. Il a reçu des milliers de lettres de victimes d’agression de partout au pays et de l’étranger. C’est à ce moment qu’il a transformé sa tragédie en une occasion de braquer les projecteurs sur la question et de sensibiliser la population.
En 1998, Kennedy a entrepris la traversée du Canada en patin à roues alignées et a amassé 1,2 million de dollars pour soutenir les victimes d’agression sexuelle. Quelques années plus tard, McNeil et lui ont eu l’idée d’un module de formation en ligne pour permettre aux personnes engagées dans le sport de reconnaître les signes de maltraitance, de comprendre leur rôle et leurs moyens d’action, de même que pour établir un langage commun sur la question. À ce moment-là, toute formation sur l’intimidation et la maltraitance se donnait en personne, dans une salle de classe.
Les modules du Respect Group se sont bonifiés et ont évolué au fil du temps, et de nos jours, il serait difficile de trouver quelqu’un qui œuvre auprès des jeunes dans les sports ou en enseignement sans avoir suivi la formation.
« Ces 23 dernières années, un changement s’est opéré, et il y a eu beaucoup de sensibilisation et d’enseignement. Notre attention est entièrement tournée vers ces 98 % de gens bien, au hockey et dans toute la société, pour les sensibiliser dans les communautés à ce qu’ils peuvent faire mieux, affirme Kennedy. « Ce que nous savions, et ce que j’ai appris en traversant le pays en patins à roues alignées, c’est que les gens ne savaient pas quoi faire. Dans toutes les histoires que j’ai entendues, il y avait des témoins. La question était de savoir comment créer un sentiment de confiance avec ces témoins pour poser des questions et se confier. C’était notre meilleure arme. »
Le travail est loin d’être achevé, et, en fait, il ne le sera jamais. Kennedy fait le parallèle avec une équipe de hockey qui développe son jeu en avantage numérique. Si l’unité affectée à l’avantage numérique atteint un pourcentage d’efficacité de 27 %, elle ne s’arrêtera pas là, même si elle est la meilleure de la ligue. Elle visera les 30 %, et au-delà.
Et donc Kennedy, McNeil et leur équipe ne s’arrêtent pas. Il y aura toujours des difficultés à surmonter et des gens à aider.
Quand Kennedy revient sur la façon dont il a pu consacrer sa vie à aider tant d’autres personnes, il explique que le travail a véritablement commencé quand il a pris conscience de l’importance de penser d’abord à sa santé.
« Si je n’avais pas fait de ma personne et de mon propre bien-être une priorité absolue, ces autres aspects de ma vie seraient bien différents. J’ai été en mesure de bâtir une vie saine, c’est-à-dire d’entretenir des relations saines avec ma partenaire, ma fille et mon fils, ainsi qu’avec mes collègues d’affaires. Ce n’est pas quelque chose que j’ai fait d’emblée. Au départ, je racontais mon histoire et militais pour que les choses changent. Parallèlement, je ne travaillais pas sur moi-même. On oublie parfois à quel point ce travail est difficile, on oublie l’importance de prendre soin de soi-même. Meilleure est ma santé, mieux je me porte pour être présent pour les autres, pour aider et me donner à fond. »
Pour plus d'informations : |
Jeremy Knight
Responsable, communications organisationnelles
Hockey Canada
(647) 251-9738