En raison de l’horaire d’entraînement intensif et de l’attention tournée
vers la quête de la médaille d’or, les petits moments que vivent les
athlètes dans leur parcours vers les Jeux paralympiques se perdent parfois
dans un brouillard effervescent.
Mais Greg Westlake, qui participe à ses cinquièmes Jeux paralympiques
d’hiver, prend le temps de savourer chaque instant. En effet, le vétéran,
qui fait partie de l’équipe nationale de parahockey du Canada depuis 19
ans, a annoncé qu’il prendrait sa retraite à la fin des Jeux de Beijing
2022.
« Je suis vraiment content d’avoir déjà annoncé que ce seront mes derniers
Jeux », exprime Westlake. « Ça m’a en quelque sorte libéré, je sens que je
peux profiter de toutes les petites choses. »
Ce n’est que quelques jours avant le départ de l’équipe de hockey
paralympique du Canada pour Beijing que Westlake a réellement pris
conscience que la fin de sa carrière approchait. Au terme du dernier
entraînement de l’équipe à Calgary, le joueur de 35 ans a été saisi par
l’importance du moment tandis qu’il était dans le vestiaire.
« C’était mon dernier temps de glace au Canada. L’entraînement terminé,
j’étais assis là à me demander quand je jouerais à nouveau au Canada. »
Les Jeux de Beijing 2022 couronnent un parcours remarquable avec Équipe
Canada. Westlake s’est joint au programme de parahockey en 2003 et a joué
comme gardien de but, défenseur et avant. Il a remporté l’or à ses premiers
Jeux paralympiques en 2006 et a gagné depuis deux autres médailles
paralympiques : le bronze en 2014 et l’argent en 2018.
Au début de la saison 2010-2011, Westlake a été nommé capitaine, rôle qu’il
a occupé pendant huit ans. Au Championnat mondial de parahockey du CIP, il
a décroché trois médailles d’or (2008, 2013, 2017), deux d’argent (2015, 2019) et
deux de bronze (2009, 2012).
Outre ces honneurs, Westlake a aussi été choisi comme porte-drapeau du pays
à la tête d’Équipe Canada pour la cérémonie d’ouverture des Jeux de Beijing
2022. Son objectif de gagner l’or à son ultime tournoi est bien clair, mais
il espère aussi vivre les Jeux comme le font ses jeunes coéquipiers.
« Je veux faire l’expérience des Jeux avec les yeux de quelqu’un d’autre,
d’une personne qui défile pour la première fois à la cérémonie d’ouverture.
Je trouve ça vraiment amusant et inspirant, quand les jeunes de 19 ou 20
ans me demandent si la cérémonie d’ouverture m’emballe. On voit leurs yeux
briller, et ça nous rajeunit. On a l’impression que c’est la première fois
à nouveau, et ça me rend vraiment fébrile. »
En tant que membre de l’équipe nationale pendant près de 20 ans, le joueur
originaire d’Oakville, en Ontario, a côtoyé de nombreux joueurs de
parahockey. Au fil de l’évolution de l’équipe, son style de leadership
auprès de ses coéquipiers s’est lui aussi transformé. Westlake raconte
qu’il était, au départ, plutôt fougueux et plein d’énergie, mais qu’il
adopte maintenant une approche plus calme. Il préfère aller prendre un café
pour jaser et prodiguer ses conseils.
« Toutes les équipes sont différentes. Elles ont chacune une dynamique
particulière, de nouveaux besoins et de nouveaux impératifs pour connaître
du succès. Il faut se faire caméléon, être capable de se fondre parmi les
autres, là où ça compte le plus, et assumer le rôle au meilleur de ses
capacités. C’est ce que je m’efforce de faire. »
Pour les joueurs plus jeunes, comme Branden Sison et Anton Jacobs-Webb,
pour qui Westlake est un modèle, jouer dans la même équipe que lui est
vraiment stimulant.
« J’ai du mal à y croire, bien honnêtement », affirme Sison, qui a été
inspiré en regardant Westlake à la télé aux Jeux paralympiques de 2010 à
Vancouver. « On ne s’imagine jamais, en voyant un gars à la télé, qu’on
aura un jour la chance de jouer sur le même trio que lui ou ensemble à la
défensive. C’est un joueur absolument phénoménal. »
À l’adolescence, Jacobs-Webb a rencontré Westlake à la Cruisers Cup de
Brampton, en Ontario. Après ses matchs de la division junior, il a regardé
Westlake compétitionner au sein de la division élite et est resté après le
match pour lui demander d’autographier une paire de gants et de prendre une
photo avec lui.
« C’était un grand moment, j’étais pas mal nerveux », affirme Jacobs-Webb «
Mes parents m’ont poussé à aller lui parler, même si je ne voulais pas
vraiment. Avec le recul, je suis bien content de l’avoir fait. »
« Il était gêné », se remémore Westlake. « Ce que j’ai aimé de ma rencontre
avec lui, c’est qu’il était un amateur de parahockey, il savait même qui
j’étais. »
Ses coéquipiers ont fait bien du chemin depuis, mais l’influence de
Westlake sur Jacobs-Webb, qui, enfant, rêvait de porter la feuille
d’érable, est encore présente à ce jour.
« Nous sommes coéquipiers et jouons ensemble depuis quatre ans, mais il y a
encore une partie de moi qui n’y croit pas encore », confie Jacobs-Webb. «
Je veux dire, c’est Greg. J’ai regardé pas mal toutes ses vidéos sur
YouTube. C’est une vedette, et c’est incroyable de pouvoir jouer avec lui.
»
Sur la glace, Westlake est connu pour son esprit compétitif et combatif et
la façon dont il lutte pour la rondelle. Sa capacité à s’adapter au fil des
ans le distingue aussi aux yeux de ses coéquipiers.
« Je le compare à LeBron James; il connaît bien le sport et modifie son
approche au fil des ans pour s’adapter à notre nouveau style de jeu »,
déclare Sison. « C’est beaucoup plus rapide de nos jours. Il a été en
mesure de suivre la cadence et de s’adapter. Il est aussi passé de la
défensive à l’avant, c’est un joueur très polyvalent. »
L’équipe de hockey paralympique du Canada se caractérise par un heureux
mélange de vétérans et de recrues – Sison et Jacobs-Webb sont deux des sept
joueurs qui participent à leurs premiers Jeux paralympiques à Beijing.
Quand un vétéran comme Westlake ferme les livres sur sa carrière au
parahockey, son départ symbolise le passage du flambeau à la prochaine
génération.
« Je ne suis pas prêt à faire mes adieux aux vétérans, car ils sont si
importants pour nous et pour l’équipe. Mais la prochaine génération s’en
vient, et nous sommes plutôt solides », résume Sison. « Je crois qu’ils
seront fiers de la direction que prendra l’équipe nationale. Ils la
laissent en bonnes mains et pourront se réjouir de ce que nous allons
accomplir dans l’avenir. »
« Je trouve que c’est une excellente occasion pour nous », ajoute
Jacobs-Webb. « On bénéficie de leur mentorat, on suit leur leadership et on
apprend beaucoup d’eux. Quand ils partiront, nous serons en bonne posture.
Nous avons un bon noyau. »
Quant à Westlake, il a déjà assisté à de nombreuses avancées au parahockey
depuis qu’il a commencé à jouer. Ces vingt dernières années, il a été
heureux de constater l’augmentation du nombre d’athlètes pouvant subvenir à
leurs besoins en jouant au parahockey.
« La plus grande différence que je constate, c’est que de plus en plus de
gars sont en mesure de gagner leur vie comme athlètes en représentant leur
pays et en s’entraînant à temps plein. Par le passé, c’était simplement
impossible. Quand chacun des membres de l’équipe pourra le faire, ce sera
formidable. »
Westlake aimerait également que le parahockey gagne en visibilité et
rejoigne un plus grand public afin de favoriser l’essor de ce sport.
« Je peux seulement vous parler de mon expérience, je ne peux pas parler
pour les autres. Mais enfant, avec mes deux jambes artificielles, je n’ai
jamais vu personne à la télévision qui était comme moi. Je n’ai jamais vu
quelqu’un qui me ressemblait assumer un rôle important au hockey. C’était
difficile pour moi de nourrir ces objectifs et ambitions au hockey, car je
ne savais tout simplement pas que c’était possible. »
« Quand je me projette 10 ou 15 ans en avant, je vois plus de matchs de
parahockey à la télévision plutôt qu’un seul par année. Je vois une
meilleure connaissance de notre sport, une meilleure représentation. »
Pour le moment, Westlake aspire à finir sa carrière avec l’or à Beijing.
Mais lorsque les Jeux paralympiques prendront fin et que sa carrière de
joueur s’arrêtera, il espère continuer à évoluer dans le monde du hockey.
« J’ignore quelle forme ça prendra, mais je m’intéresse beaucoup au
développement des joueurs, au dépistage. J’aime tout cet aspect gestion du
sport. Et tant qu’il s’agit de ce programme, je suis prêt à m’impliquer,
peu importe comment ou quand. Sans hésitation. »
La conclusion de son parcours dans l’uniforme canadien approche, mais sa
contribution au parahockey et sa passion pour son sport demeureront bien
vivantes.
« J’adore le parahockey. J’adore l’équipe. C’est ma passion depuis que j’ai
trois ans, et je suis ému quand j’en parle. J’espère que les gens savent
que, quand ce n’était pas l’un des grands sports au monde, j’étais là à
m’efforcer de faire la promotion du parahockey et de le faire progresser. »
« J’aime beaucoup le programme. J’espère que les gens le savent. »