Geneviève et moi avions décidé de ne pas faire de coming out
officiel. Nous avions plutôt simplement choisi de publier des photos de notre mariage en juillet dernier. Nos proches – les personnes les plus
importantes dans nos vies – étaient déjà au courant de notre relation.
Nous étions sceptiques à l’idée d’en faire une grosse histoire
d’affirmation. Nous avons pensé que publier des photos de notre mariage
serait une façon amusante de dire : « C’est nous. Nous sommes maintenant
mariées ». Comme n’importe qui le ferait. Nous étions rendues là. Nous
voulions le dire, sans peur. La vague d’amour et de soutien qui a suivi
notre publication était si grande, et ça a été très inspirant d’en
constater l’impact.
Nous avons une plateforme et une influence. Plusieurs suivent nos
aventures. Les personnes qui sont derrière nous sans hésitation, nous les
voulons dans nos vies. Nous tenons à maintenir un lien avec elles. Pour les
autres, ce n’est pas plus grave que ça.
Nous savions que notre dévoilement pourrait avoir une influence. Une
influence positive. Nous espérions pouvoir aider d’autres personnes qui
vivent une situation similaire. Je crois qu’on avait le courage, à notre
âge, d’aller de l’avant pour raconter notre histoire. Nous avons tout le
soutien dont nous avons besoin. Après coup, pour nous, la question était de
savoir comment nous pouvions aider les autres maintenant.
Annoncer publiquement notre relation nous a libérées d’un énorme poids qui,
sans qu’on en soit conscientes, pesait sur nos épaules. Aujourd’hui, je
sens vraiment que nous sommes ouvertes à l’idée d’engager des conversations
à propos de notre relation. Nous n’avons pas peur d’être nous-mêmes. Tout
ça a été une aventure gratifiante pour nous. Ça fait seulement un an que
nous avons officialisé notre union, et nous nous amusons tellement depuis.
Nous sommes un couple. Et les gens le savent.
Geneviève et moi avons commencé à nous fréquenter en 2015. Ça n’a pas été
trop long avant que je parle à ma sœur de notre relation. Geneviève était
la première femme dans ma vie. Donc, avant de l’annoncer à toute ma
famille, je voulais m’assurer que notre couple soit solide. C’est ce que
j’aurais fait pour n’importe quelle relation.
J’étudiais à Harvard à ce moment. Mes coéquipières et amis à l’école l’ont
su assez rapidement. Je voulais le dire à ma famille, mais je voulais
l’annoncer en personne. Je ne tenais pas à en faire toute une histoire.
Mais je sais bien aussi que, encore à ce jour dans notre société, une
personne est hétérosexuelle jusqu’à preuve du contraire. Il faut faire un
coming out, raconter son histoire. Je voulais l’annoncer de la
façon la plus normale possible, mais je me devais d’avoir des conversations
en personne avec ma famille aussi.
Un an après le début de notre fréquentation, j’ai commencé à en parler. Je
l’ai dit à mes parents, un à la fois. J’ai fait le tour de ma famille, qui
est nombreuse, donc des conversations, il y en a eu beaucoup! J’étais jeune
(j’avais 20 ans), donc je ressentais pas mal de nervosité, mais mes proches
m’ont manifesté un si grand soutien. J’ai retenu de chacune de mes
discussions que ma famille était là pour moi et qu’elle allait m’aimer
coûte que coûte. Je sais que ce n’est pas tout le monde qui a cette chance,
mais je suis vraiment bénie des dieux d’avoir une famille qui me soutient
quoi qu’il arrive. Tout le monde était juste heureux que je sois en amour.
Nous avons hésité à en parler publiquement, mais ça n’avait rien à voir
avec notre orientation sexuelle. C’était plus en raison de notre
implication avec l’équipe nationale féminine. Nous n’étions pas vraiment
friandes à l’idée que les nouvelles autour de nous soient à propos de notre
relation ou de notre orientation. Nous voulions qu’elles portent sur le
hockey et nos performances.
C’est assurément un défi lorsqu’on pratique la même profession que sa
partenaire. Au début, nous avons convenu que, à plus d’un égard, notre
relation devait primer sur le reste. Mais il nous fallait aussi réserver
une place de choix à notre carrière au hockey. Non pas d’une manière
égoïste, mais plutôt… Si tu fais tout ce que tu peux pour être sélectionnée
à une équipe et que tu es disposée à jouer, et que je fais tout ce que je
peux pour être sélectionnée à une équipe et que je suis disposée à jouer,
et bien notre couple ne fait pas partie de l’équation dans ce cas. Ce sont
des facteurs externes qui décideront de notre sort… le personnel entraîneur
et de dépistage.
Nous étions ensemble dans cette même aventure. Sur le plan individuel, nous
ne ménagions pas les efforts et faisions tout notre possible pour arriver à
nos fins. Mais une fois une décision rendue, il n’y avait aucune rancœur
entre nous. Nous pouvions éprouver de l’empathie si l’une s’était démarquée
par rapport à l’autre, mais en fin de compte, si l’une d’entre nous était
désignée pour défendre la cage, nous étions là pour nous épauler.
Nous avons eu quelques obstacles en cours de route. Je n’ai pas été choisie
pour les Jeux olympiques de 2018. Elle, oui. Le contraire s’est produit
pour les Jeux de 2022. J’étais de l’aventure, mais pas elle. Ça nous a
donné de la très belle matière pour apprendre de notre relation. La
première fois, quand c’est moi qui ai subi le couperet, nous n’avions pas
vraiment les aptitudes pour bien réagir. Je caressais ce grand rêve de
jouer aux Jeux olympiques. Alors, que dire à sa partenaire, à celle qui y
va, ou à celle qui n’y va pas? C’était une situation complexe à gérer pour
nous. Nous nous soutenions mutuellement, alors nous avons senti qu’il valait
mieux nous abstenir de parler de hockey. Pour le bien de notre couple.
La deuxième fois, pour les Jeux de Beijing, nous avons appris comment en
parler. Nous avons appris à dialoguer dans des circonstances périlleuses. À
nous ouvrir franchement à l’autre. Il aurait été préférable que ces
situations ne se produisent jamais, mais en fait, elles ont contribué à
solidifier notre relation. Nous avons acquis les aptitudes pour bien nous
épauler l’une l’autre à travers les tempêtes et communiquer de la bonne
façon. Nous avons pris conscience de l’importance de toujours faire mieux
dans ces moments.
Au début de l’année 2023, quelques mois après notre mariage, nous avons
appris que nous allions avoir un enfant. Par chance, nous avons des amies
qui avaient déjà suivi un traitement de fertilité. Nous avons pu leur poser
une tonne de questions. Faire plusieurs recherches sur le sujet. Nous
vivions au Québec, et heureusement, des mesures financières sont en place
pour aider. Et la fécondation s’est faite assez rapidement. Nous en sommes
très reconnaissantes.
Ça a été une belle expérience. Nous sommes très heureuses de fonder notre
famille et d’accueillir notre petit garçon. Nous attendons ce moment depuis
si longtemps. Étant donné nos carrières sur la glace, ce n’était pas une
possibilité, surtout sans les salaires et la sécurité financière d’une
ligue professionnelle. Mais aujourd’hui, je joue dans la LPHF, et Geneviève
occupe un emploi stable à titre de responsable des commandites et des
ventes de la ligue. Il y a longtemps que nous avions goûté à une telle
sécurité et stabilité. Nous sommes emballées de fonder notre famille.
Nous souhaitons que notre garçon grandisse auprès de femmes fortes. Et nous
sommes certaines qu’il sera un être respectueux des femmes et que lorsqu’il
verra des athlètes féminines, il ne verra que des athlètes tout court.
Le dévoilement du sexe de notre bébé est un souvenir récent qui me revienten mémoire constamment! J’étais assise dans l’autobus avec Emily Clark lors
d’un voyage cette année, et nous nous sommes mises à discuter de la façon
dont nous pourrions l’annoncer Geneviève et moi. Des idées ont germé. Puis,
nous avons réalisé qu’une course à obstacles avec l’équipe pourrait être
très amusante. Nous sommes passés d’un duel Clark contre Jenner, à un duel
Équipe gars contre Équipe fille.
Geneviève et moi, nous voulions vivre l’effet de surprise, donc nous avons
donné aux autres membres de l’équipe le lien vers la confirmation du sexe
de notre bébé. Un jour, après un entraînement, Clarky et Jenner ont
expliqué le déroulement de la course. Tout a si bien fonctionné!
La dernière année a été un vrai tourbillon. Le mariage, l’annonce de la
création de la LPHF, ma signature avec Ottawa, la nouvelle de notre enfant,
le lancement de la ligue, la conquête d’un autre championnat… c’est
difficile de croire que tout cela s’est passé dans les 11 derniers mois
seulement.
C’est tellement incroyable, l’élan que nous donne la LPHF, l’appui des
partisans et partisanes, le soutien de partout, les investissements et la
visibilité. Et la croissance que nous avons connue à notre première saison
seulement. Mais la fierté que j’ai ressentie chaque fois que j’ai sauté sur
la glace avec mes coéquipières à Ottawa cette saison… je n’ai pas de mots
pour décrire à quel point c’est spécial.
Évidemment, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour atteindre
l’équité et la parité, mais nous avons fait quelques pas de géant au cours
des dernières années. Même à l’échelle locale, il y a un effet
d’entraînement généré par la LPHF pour que les femmes s’initient au sport
et continuent de le pratiquer.
À nos matchs, je vois des jeunes (pas seulement des petites filles, mais
aussi des petits garçons) qui nous perçoivent simplement comme des athlètes
qui pratiquent le hockey. Ces jeunes ne nous considèrent pas comme des
joueuses de hockey féminin. Garçons et filles voient simplement leur avant
ou cerbère modèle. On n’entend pas : « Tu es ma gardienne de but favorite…
au hockey féminin. » C’est fantastique de voir l’évolution de l’état
d’esprit. Et il y a tant de jalons à venir.
Puisque c’est le Mois de la fierté, un événement qui a une grande
signification pour moi, je voulais conclure sur ce sujet.
Individuellement, tout le monde peut faire une introspection et trouver des
pistes d’amélioration. Je pense que souvent, des présomptions sont faites
lorsque deux personnes se rencontrent pour la première fois. Mais nous
pouvons faire mieux en laissant l’autre raconter son histoire au lieu de
l’étiqueter en lui disant : « Tu es ceci ou tu es cela. » Il peut être
intimidant d’être soi-même. Les idées préconçues sont un frein.
Malheureusement, il y aura toujours de la haine sur Internet. À l’ère des
médias sociaux, c’est inévitable. Mais je pense qu’autant que possible,
nous devons nous accrocher à l’amour et au soutien, et veiller à ce que les
voix bienveillantes, aimantes et encourageantes l’emportent sur les voix
négatives.
En tant que personne en couple avec une personne du même sexe, je suis
parfois un peu timide ou hésitante de montrer la vraie version de moi-même.
Mais aux personnes de notre communauté, je dis : soyez aussi braves que
possible. Soyez vous-mêmes. Si vous participez aux conversations et que
vous laissez aller votre vraie personnalité, les mentalités commenceront à
changer lentement. Une personne à la fois.
Nous avançons dans la bonne direction. Et c’est ensemble que nous
continuerons de le faire.