Le texte littéraire qui m’a sans doute le plus marqué en tant que jeune homme a paru dans le cahier des sports du feu Village Voice de New York. L’article, publié à la dernière page du journal de 150 pages et qui s’intitulait « Be Afraid, Be Very Afraid » (Ayez peur, ayez très peur), traitait des chances des Rangers de New York de poursuivre sur leur lancée au début de printemps 1988. L’article était rédigé par deux Américains de noms différents – Jeff Z Klein et Karl-Eric Reif – et il s’agissait d’un avertissement proto-Corsi (bien qu’ils ne l’auraient pas décrit ainsi) des dangers potentiels qui attendaient l’équipe, malgré la confiance exprimée par le club, les joueurs et les amateurs.
La raison pour laquelle l’article m’a affecté était parce qu’il crevait le ballon d’espoir entourant l’équipe, choisissant plutôt la froide réalité à la chaleur de l’espoir. Jusqu’alors – à une époque avant que les matchs et les équipes soient décortiqués par les masses numériques bavardes –, je ne croyais pas qu’il était possible pour des écrivains de s’exprimer avec si peu de sentimentalité. Au lieu de favoriser l’équipe locale, les auteurs avertissaient les amateurs de se préparer au désespoir qui allait les envahir une fois la saison terminée.
C’est un peu le sentiment qui m’habite alors qu’approche la ronde des médailles au tournoi de hockey olympique de 2014 à Sotchi. Les clans sont clairement divisés en ce qui a trait aux prévisions entourant l’avenir du Canada. L’un exprime le point de vue antidépresseur que participer pour participer suffit et que les résultats décevants des espoirs de médailles canadiens (se reporter à Patrick Chan) sont tout de même admirables. L’autre est composé de chasseurs de tempêtes qui ont eu peur, très peur, bien avant nous tous, de dénigrer les résultats décevants des espoirs de médailles du Canada (se reporter à Patrick Chan) pour leur manque de performance au moment clé.
À la suite de la victoire de justesse sur la Finlande, la nouvelle voulant que l’équipe puisse, potentiellement, affronter les Suisses, toujours tenaces, en quart de finale a lancé la discussion dans les deux clans. Les défaitistes ont évoqué la défaite de 2-0 du Canada aux mains de la Suisse à Turin, alors que les optimistes ont souligné que cela avait été une défaite en ronde préliminaire qui n’avait eu aucune conséquence. Les inquiets et craintifs ont mentionné la panne sèche de Sidney Crosby, tandis que les joyeux et détendus nous ont suggéré d’apprécier le jeu de Drew Doughty dont le calme et la désinvolture sur la scène internationale sont à l’opposé de celles d’autres athlètes de l’élite (se reporter à Patrick Chan). Les nerveux ont exprimé une peur bleue de devoir croiser les Américains, alors que ceux que l’amour a enivrés ont suggéré qu’affronter un adversaire aussi formidable produirait des souvenirs intarissables, bons ou mauvais, tout en souhaitant que la meilleure équipe gagne.
Ces Olympiques – pour le Canada du moins – n’ont pas su recréer le conte de fées de Vancouver, mais il est ridicule de penser qu’il aurait pu en être autrement. Et parce que les choses ne tournent pas parfaitement rond pour le Canada, les faiblesses perçues de son entité la plus populaire – l’équipe de hockey – ont été exagérées.
Bien qu’il soit difficile de voir au travers l’épais brouillard de la panique – et malgré tous les buts américains, la résilience suisse et la vitesse russe –, il n’en demeure pas moins que le Canada présente une fiche de 3-0 après trois matchs. Bien qu’il n’ait pas écrasé ses adversaires, il est tout à fait illogique de mesurer la qualité d’une équipe par ses victoires sur des adversaires plus faibles – beaucoup plus faibles. Il faut plutôt la juger par ses résultats contre de bonnes équipes, et contre la Finlande le Canada a dominé son adversaire nordique bien qu’il lui ait accordé un but.
Force est d’admettre qu’il y a eu très peu de domination dans l’enclave, mais de toute façon, au hockey international, vous ne pouvez rester là plus de trois secondes.
Il est aussi vrai que le jeu s’est surtout déroulé le long du pourtour intérieur des cercles de mise en jeu, mais parce que le centre était bloqué par des corps, le Canada a marqué de la pointe, se fiant à sa superbe défensive et à un superbe défenseur (Doughty) pour marquer.
Pour certains, le verre peut paraitre à demi vide avant la ronde des médailles, mais les cyniques qui regardent le hockey canadien devraient aussi prendre en considération la vue de l’autre côté du banc. Comme joueur, aimeriez-vous vraiment affronter un Sidney Crosby ou un Jonathan Toews qui n’a pas encore marqué? Ou un trio – comme celui des Getzlaf, Perry et Duchesne – qui est passé à un cheveu de faire mouche, exerçant une pression sur l’équipe adverse à presque chacune de ses présences sur la glace? C’est bien ce que je pensais. L’eau ne déborde peut-être pas du verre, mais ce n’est pas nécessaire. De plus, le verre ne contient peut-être pas de l’eau. Peut-être qu’il s’agit d’un élixir pour les biberons.